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  • : Le blog de Sylvette
  • : Qu'ils soient politiques, personnels, ou une réflexion d'un moment, mes poèmes en prose sont des réflexions personnelles qui n'engagent que mon moi interne. Vous pouvez y trouver des sentiments, de l'humour un peu caustique, peut être parfois un peu de clairvoyance, mais jamais de méchanceté. N'hésitez pas à me donner votre avis.
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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 18:41

Et si...Et pourtant..Ou le Baiser oublié...

Et si...Sa vie ne pouvait s'arrêter là...Il avait tout juste 20ans. Il marchait dans ces rues du Vieux Nice, en proie à une réelle confusion. Que devait il faire ? Aurait-il le courage de passer la limite de ces vieux bâtiments et de partir vers l'inconnu...Il avait toujours pensé que son horizon était là, dans ces petites rues où les bâtiments serrés les uns contre les autres lui offraient un rempart contre le reste du monde, contre les fantômes venus d'un autre ailleurs, qui hantaient sa vie, qui hantaient sa tête, le rendant parfois insupportable à la limite du supportable...Personne à qui parler, les quelques Niçois qui étaient restés debout après cette épidémie de grippe, s'étaient enfuis, abandonnant le peu qu'il leur restait et laissant les cadavres derrière eux...Les odeurs nauséabondes des corps en décomposition emplissaient l'air...Son visage était a demi caché par un foulard qu'il avait attaché devant sa bouche et son nez et qui lui permettait de filtrer quelque peu l'air ambiant avant qu'il n'arriva à ses poumons...C'est à ce moment là que la cloche de l'Eglise Saint François qui sonnait les 12 coups de midi le fit sursauter...Midi se dit-il, où vais je trouver à manger ? Les grilles de la colline du château devaient être fermées, pour éviter que les quelques malheureux encore en vie et victime de ce syndrome mortel de la grippe n'aillent contaminer les braves gens du port, ou ceux de la place Garibaldi...Ils avaient barricadé toutes les sorties ne laissant plus personnes s'aventurer à l'extérieure...Ne sachant où aller, il dirigea ses pas vers l'hospice de la Providence, peut être quelqu'un était-il encore là et pourrait lui permettre par un quelconque mets de calmer les tiraillements qui harcelaient son estomac...Il s'approcha donc du couvent qui avait pour mission d'accueillir les jeunes filles abandonnées et se tint immobile quelques secondes devant la grille..L'oeuvre qui avait été crée par Eugène Spitaliéri de Cessole avait également pour vocation de donner à manger sous forme d'une « soupe économique » aux pauvres et à tous ceux sans fortune qui venaient se perdre dans le Vieux Nice...Ils vivaient de dons, du travail de confection de chapeaux de paille , mais parfois encore louaient les jeunes orphelines comme pleureuses dans les enterrements...Il se dit inconsciemment qu'elles devaient avoir fort à faire par ces temps de grandes épidémies!!!Cependant il souhaita tout de même qu'il resta quelques « Cessolines » pour lui offrir ne serait ce qu'une soupe...Sa main tira fortement sur la cloche qui se trouvait à l'entrée du couvent et il attendit...Au travers de la grille il tentait d'apercevoir si la vie animait encore ce lieu...Il patienta un long moment , trop fatigué pour penser seulement à partir, et tout à coup il vit une vieille soeur qui trottinait doucement vers lui...Il enleva le foulard qui découvrit son visage et demanda où était le reste du couvent, il s'entendit alors répondre qu'elles étaient toutes parties sous la protection du Vicaire qui était venu chercher son troupeau de jeunes âmes pour les mettre à l'abri hors du Vieux Nice...Mais elle, elle était une soeur tourière, avait vécu toute sa vie là, et ne comptait pas en partir tant qu'elle serait en vie...Elle avait fort bien compris qu'il cherchait à manger, elle lui ouvrit donc la grille et lui proposa de la suivre...Ils se dirigèrent vers les cuisines et là il sentit l'odeur caractéristique de la soupe , mais surtout celle si familière de la socca...Son estomac avait de quoi s'apaiser, il commença d 'abord à boire la soupe à la manière un peu gloutonne de ceux qui ont manqué de nourriture pendant quelques temps, puis il ralentit son rythme et apprécia la socca qu'il mangeât sous l'oeil attendri de la vieille soeur .

Il se sentit renaître à la vie et se dit que finalement il avait eu raison de poursuivre sa quête jusque là...Enfin rassasié il regarda notre gardienne des lieux et entama avec elle un dialogue de sourd...Il était presque sûr que ce couvent construit au XVII ème siècle et reconstruit en partie en 1812 par Eugène Spitaliéri de Cessole était doté d'un passage secret qui permettait de rejoindre le port . Il fallait absolument que la soeur lui en indiqua l'endroit..Pour l'heure mal grès sa gentillesse , il voyait bien qu'elle campait sur ses positions bien décidée à ne rien lui révéler, lui expliquant encore et encore qu'étant la doyenne du couvent, elle voulait mourir là où elle avait passé la plus grande partie de sa vie et c'était l'unique raison qui l'avait empêché de partir...

Ne pouvant la décider à lui ouvrir son coeur, il pensa lui demander l'hospitalité pour la nuit se disant qu'ainsi il pourrait parcourir les lieux en toute tranquillité pour trouver le fameux passage , il restait persuadé que là était sa survie...Plus par charité chrétienne que par envie d'une compagnie quelconque, la soeur lui indiqua une cellule où dormir, qui se trouvait au même niveau que la cuisine et lui signifia que le diner serait servi à 18H ...Il resta donc dans la cour , puis accéda par des escaliers au jardin où la vue magnifique sur Nice le remplit de tristesse et de nostalgie..Le soir arriva vite et à l'heure convenue, la nuit déjà tombée, il alla partager le repas frugal que la soeur lui avait servi, un peu de soupe , du pain et un morceau de fromage...Elle ne mangeait guère et le regardait cherchant surement à percer ses intentions...Il avait décidé de ne pas la brusquer et de ne plus poser de questions...Elle l'avait vu s'occuper entre autre des fleurs dans l'après-midi et c'est sur ce sujet que la conversation entre eux prit une vitesse de croisière...Il l'aida à débarrasser et sur le coup des 19h ,ils se quittèrent comme les meilleurs amis du monde...Il demanda la permission de faire quelques pas dans la cour avant d'aller se coucher et vers 20H intégra sa cellule...Tout était d'un calme quasi-religieux , la soeur devait dormir, certainement à l'étage où se trouvaient les dortoirs des Cessolines, et il attendit quelques temps encore, assis sur le lit , mais surement fatigué par sa journée d'émotions , son corps s'avachit lentement et il s'endormit.

Un bruit le fit sursauter, on tapait à la porte, précautionneusement il ouvrit pensant à la soeur et se trouva nez à nez avec une jeune femme habillée d'une drôle de façon et qui un battoir à la main le regardait, en lui faisant de grands signes pour qu'il la suive. Un rapide flash, lui fit souvenir du monument qui depuis 1923 , donc quelques années avant sa naissance, se trouvait sur le mur de l'ancienne porte Pairolière...Mais que faisait-elle là??? Il trouva pour le moins insolite cette rencontre avec Elle, et pris de panique referma brusquement la porte de la cellule...Quelques coups le rappelèrent à l'ordre , il ouvrit de nouveau et bégayant lui demanda son nom...

Catarina lui dit-elle.

Elle parlait donc et n'était pas de pierre, la maladie le gagnait, peut être s'imaginait-il des choses. Son regard glissa de nouveau sur une des mains de la jeune femme et aperçut le battoir...Non c'était bien elle , son idole, celle qui le faisait fantasmer, cette femme extraordinaire , cette Niçoise capable d'avoir mis en déroute le 15 Août 1543 une armée de Turc , juste avec un battoir...

Alors doucement il lui redemanda son nom et elle répondit de nouveau...Catarina, puis s'arrêta quelques secondes et rajouta...Ségurana...Mais comment était-elle sortie de son monument? Pourquoi venait-elle maintenant le chercher alors qu'il était peut- être déjà atteint de la grippe et qu'il allait sûrement mourir!!!

-Venez, suivez moi lui dit-elle, je sais où se trouve le passage secret, vous aviez raison il existe bien.

-Mais qui êtes vous? D'où venez vous? Et qui vous a dit que je cherchais le passage secret, je suis mort c'est cela même, vous arrivez de l'autre monde, voilà pourquoi vous lisez dans ma tête...Mais je n'ai pas envie d'aller avec vous, je veux vivre encore un peu, pitié!!!

-Cessez donc vos jérémiades Jacques et suivez moi, je vous expliquerai en chemin ce qui m'a mené jusqu'à vous.

-Et voilà que vous savez aussi mon nom, alors que vous ,vous usurpez celui de la statue de pierre et

même ses vêtements...Je ne comprends rien!!!

-Faites moi donc confiance, si j'étais en pierre comme vous le prétendez je ne parlerai pas et si je venais de l'au-delà , je ne vous apparaîtrai pas en chair et en os...Je vous expliquerai plus tard les vêtements et le nom, suivez moi , nous devons faire vite, la maladie a fait un pacte avec la mort et semble prête à lui livrer encore quelques âmes.

Ces dernières paroles le décidèrent a suivre la jeune femme. Elle s'engagea doucement dans des couloirs très longs et immenses en direction de la chapelle. Lorsqu'enfin elle y arriva, elle poussa très vite un des battants tout en jetant un coup d'oeil pour voir si il suivait bien...Il entra derrière elle , referma doucement la porte et la suivit dans la pénombre de la chapelle. Une douce lueur leur permettait de se déplacer, elle provenait de quelques énormes bougies qui brûlaient encore, semblant patiemment attendre la personne qui les avait allumées...Ils se présentèrent devant l'autel de marbre noir, il allait machinalement faire une génuflexion , le Christ sur sa croix semblait lui demander ce qu'il faisait là, lorsqu'il il la vit se baisser. Il pensa alors qu'elle n'allait pas commettre le sacrilège d'y toucher, quand elle lui fit signe d'approcher, ils ne s'étaient plus parlé depuis leur départ de la cellule.

-Ce doit être ici lui dit-elle, c'est ce qu'elle m'a indiqué, la Chapelle n'a jamais été modifiée depuis que la première messe y a été dites le 2/04/1669 par l' Evêque de Nice de l'époque Mgr Diego della Chiesa...Soulevez donc l'autel, il devrait bouger cela n'est possible que dans le courant de la nuit et seulement à 3h du matin, nous sommes juste à l'heure...

Il fit comme elle lui dit et s'aperçut qu'elle semblait réciter quelque chose à voix basse , c'était presque inaudible, comme une phrase magique, il souleva de toutes ses forces, à sa grande surprise l'autel bougea, c'était extrêmement lourd et il se demanda comment il allait y arriver tout seul...Il la vit alors se pencher et glisser le battoir à l'endroit où la pierre avait bougé, puis elle alla à l'opposé et souleva avec lui. L'autel se déplaça et une trappe apparut...Elle la poussa ,quelques escaliers creusés dans la roche étaient visibles...

-Passez donc lui dit-elle, vous y êtes , prenez le tunnel et continuez jusqu'au bout, il devrait s'étaler sous la colline et ressortir au port, ensuite vous serez en zone saine, bonne chance...

Il la regarda hébété !!!

-Mais je n'ai aucunement l'intention de partir sans vous, je veux savoir qui vous êtes réellement, venez avec moi, je peux rencontrer d'autres problèmes et je ne pourrai m'en sortir tout seul, s'il vous plaît...

-Je ne peux pas Jacques, je dois remettre l'autel à sa place , personne ne doit savoir l'existence de ce passage secret, il sauvera des vies , pas maintenant plus tard, bien bien plus tard...

-Alors tant pis je ne partirai pas sans vous, de toutes les façons ma vie n'avait plus aucun goût, que vais je faire à l'extérieur du Vieux Nice, mon existence a toujours été là, vous faites partie de moi, de mon histoire. Tous les jours je suis passé devant votre statue, me disant que c'était une femme comme vous que j'aurai aimé rencontrer, capable de faire fuir une armée de turcs juste avec son battoir...

-Vous devez partir, je dois aller sauver d'autres personnes , une autre vie vous attend, un jour vous accomplirez de grandes choses dans cette ville, votre vie ne doit pas s'arrêter ici et puis je ne vous

quitterai pas vraiment...Au fond de votre coeur je vais déposer un baiser, il restera là éternellement et vous protègera...Mais si vous l'oubliez , vous dévierez du droit chemin , vous connaîtrez alors l'exil et je ne pourrai plus rien faire pour vous...

-Mais vous m'avez dit que vous me raconteriez pourquoi vous êtes là et ce nom Catarina Ségurana, mais je vous en supplie qui êtes vous vraiment?

-Je ne devrais pas vous le dire, mais j'ai bien compris qu'autrement vous ne partirez pas et vous devez quitter le Vieux Nice maintenant, pour mieux y revenir plus tard. Je vais parler mais vous devez me promettre de ne jamais le dire à personne, jamais au grand jamais, jurer le maintenant.

-Je vous le jure dit-il portant instinctivement la main à son coeur.

-Voilà dit-elle, je suis en quelque sorte la filleule de Catarina Ségurana...Après avoir fait fuir les Turcs, l'on raconte que le Duc de Savoie Charles III, pour la remercier lui offrit une maison que sa famille vendit plus tard en 1668 aux soeurs de la Visitation pour devenir le Monastère de Saint François de Sales...Elles avaient pour mission de faire construire un monastère et sa Chapelle en rachetant des maisons, des terrains , des propriétés qui répondaient toutes à ce seul cahier des charges « Alle falde del Castello, nella parocchia di San Martino, vicino all'ospedale di Santa Croce... » La maison de Catarina se trouvait exactement où nous sommes et le passage secret existait déjà, lorsque les soeurs créèrent la chapelle , pour qu'il ne fut plus jamais emprunté, elles décidèrent d'y faire construire l'autel au-dessus et choisir le marbre qui était considéré à l'époque comme une des pierres les plus lourdes, se disant que par sa sacralité et par sa couleur noire personne n'oserait y toucher.

-Je n'y comprends rien dit Jacques, mais alors si vous n'êtes pas la vraie Catarina pourquoi vous habiller comme elle et pourquoi ce battoir de lavandière?

-Je suis orpheline. J'ai été trouvée par les soeurs le 5/05/1928 au pied du monument de celle qui deviendra ma marraine, il était juste indiqué que mes parents me mettaient sous sa protection et j'ai donc été amenée ici à l'Hospice de la Providence où j'ai été recueillie. Aucun nom n'était indiqué et les soeurs décidèrent de me donner celui de ma protectrice. Un jour, j'étais là toute seule dans cette chapelle quand elle m'est apparue, elle me dit que je devrais vouer mon existence à secourir tous ceux qui en auraient besoin et que je devais connaître le passage secret qui permettait de sortir du Vieux Nice en cas d'invasion de guerre ou de maladie...Mais pour qu'elle puisse me transmettre sa force, je devais m'habiller comme elle. J'ai trouvé ces habits dans la malle d'un grenier que nous devions vider car sa propriétaire était décédée, et le battoir, on en trouve encore dans certains lavoirs du Vieux Nice...

-Je vous en supplie dit Jacques , qui buvait littéralement ses paroles, vous êtes née le même jour que moi, ce ne peut être une coïncidence, vous êtes mon âme soeur, en quelques sorte ma jumelle, abandonnez vos idées et suivez moi, je suis sure que nous sommes fait l'un pour l'autre...Elle comprendra!!!

-Allons dit-elle ne perdez plus de temps, et ce faisant elle porta sa main à ses lèvres et ensuite la posa sur le coeur du jeune homme , puis profitant qu'il était complètement subjugué, elle le poussa dans le trou et avec une force imprévisible, enleva le battoir et repoussa l'autel si vite qu'il ne put rien faire...

-La chute subite et l'obscurité dans laquelle il se trouvait plongé le fit crier si fort qu'il sursautât, faillit tomber...Quand il ouvrit enfin les yeux il comprit qu'il venait juste de rêver, sa passion et sa lecture la veille sur Catarina Segurana avaient induit le reste...

Il resta quelques instants pensif...Et si elle était vraiment venue le visiter, il sentit comme une brûlure au niveau de son coeur...Jamais il ne devrait oublier ce baiser...Et pourtant!!!

FIN

Sources:

Pour l'Hospice de la Providence: Conference faites à l'Académia Nissarda le 16 janvier 1927 par EMANUEL Xavier...

Pour Catarina Segurana: Wikipédia, pour la partie racontée et les dates...

Pour le reste à part la date de naissance exacte du Jeune homme, tout est fiction...Un conte comme la légende de cette Héroïne Niçoise...

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